vendredi 15 novembre 2013

L'assemblée fait la une de Réforme


L'assemblée du COE fait la une de Réforme cette semaine. A l'intérieur un beau dossier sur l'économie sociale, des échos du débat sur le nucléaire militaire et des opinions sur ce que disent les Bretons.

Il y a une interview avec Laurent Schlumberger et des impressions de l'Assemblée par Jane Stranz.

Dans le numéro de la semaine dernière il y a un bel article d'introduction à l'assemblée et son travail par Julie Paik.
Grand merci à Réforme pour ce clin d’œil à ce qui se passe au loin au plein cœur de l'actualité.

Pour pouvoir tout lire en ligne il faut s’abonner bien sûr. Alors ce serait bien de faire un petit effort aussi dans ce domaine pour soutenir notre belle presse protestante.:-)


GETI - pour Karine Gerstlé la plénitude du sens du mot "rencontrer" reste la force de l'expérience


Quand on voyage pour la première fois vers l'Asie et on descend enfin de l'avion à Séoul on ne s'attend pas forcément à retrouver dans les lignes de contrôles à la frontière quelqu'un qui habite son propre village. Aie je devrais dire ville, car Ferney Voltaire, centre de l'univers (mon mari y habite, moi aussi parfois quand je ne suis pas parisienne) est une ville, aux portes de Genève, avec environs 8000 habitants, mais aussi environs 90 différentes nationalités. Dans ce contexte alors il est peut être tout à fait normal que la personne de "mon village" que je rencontre avant de passer la frontière était un prêtre orthodoxe d'origine roumaine. Le père Daniel Bouda travaille au Conseil oecuménique des Églises à Genève et habite en France. Il arrivait en avance de l'Assemblée pour enseigner au GETI. J'étais très heureuse, même dans mon état post-voyage, de rencontrer mon ancien collègue du COE au début de ce pèlerinage vers Busan.
De l'autre côté des formalités de visa, je franchi la porte d'arrivée en Corée et encore une surprise m'attend. Karine Gerstlé de l'Eglise Protestante Unie de France guette les professeurs et étudiants qui arrivent pour le début du GETI. Alors mes premières paroles en Corée sont en français (faut-il avouer qu'avec le père Daniel nous avons parlé en allemand, mais je précise, à ce moment là je n'avais pas encore officiellement franchi la frontière). Karine se retrouve à Séoul non seulement pour le GETI mais au mi-parcours d'un semestre d'études à la Faculté Presbytérienne d'Incheon. Karine écrit un blog sur ses impressions de la Corée Bienvenue au matin calme Regards sur la Corée. Catholic News Service parle (en anglais) de Karine dans un article sur GETI.
Juste avant de retourner à la faculté pour ses dernières six semaines de cours Karine a pris le temps d'écrire quelques impressions personnelles concernant son expérience du GETI. Elle va rentrer en France juste avant noël mais conte fermement prendre part au Pèlerinage de Confiance, la rencontre européenne organisée par la Communauté de Taizé en fin d'année. Cette année c'est la ville française et européenne de Strasbourg qui accueille. Karine va de pèlerinage en pèlerinage avec l’œcuménisme. 
Jane Stranz
 
Des particpants au GETI qui accueillent à l'aéroport
Je suis vraiment heureuse d'avoir eu la chance de participer au COE et en plus au GETI, qui est le Global Ecumenical and Theological Institute. Quand je repense à cette expérience je ne me rends pas compte que nous étions 150 et ce n'est pas ce qui m'a le plus marqué. Les lectures ressemblant énormément au format universitaire comme je le connais bien puisque j'étudie depuis plusieurs années maintenant la théologie. Ce qui est plus impressionnant c'est d'échanger avec des personnes issues de dénomination totalement différentes. C'est une façon d'ouvrir son horizon, ne plus voir le monde théologique uniquement par la lucarne protestante mais découvrir qu'il y a d'autres théologie. C'est une façon d'être déplacée, un peu comme ma première année de théologie où le professeur de théologie pratique nous à dit qu'il était là pour déconstruire et reconstruire notre foi. Etudier avec 150 personnes de 60 pays différents, de 80 dénominations différentes mais toutes tournées vers un même Seigneur est une façon de déconstruire certaines sécurités pour reconstruire avec une visée plus grande. Aujourd'hui, je ne peux plus penser que je suis protestante, ce qui me vient avant tout en tête est que je suis chrétienne. Mais tout n'est pas rose non plus, L’église reste divisée et j'ai trouvé que souvent les discours étaient trop lissés, politiquement corrects, que ce soit lors du GETI ou des plénières et autres rencontres du COE. J'ai aussi souffert de l'absence du Christ dans les discussions, ressemblant parfois plus à un rassemblement d'ONG que d'un rassemblement d'églises. J'ai aussi trouvé que certaines questions n'ont pas été assez abordées comme la sécularisation qui touche plus les pays occidentaux, ou encore toute la question sur l'eucharistie.

J'ai été touchée par le cours du professeur Stephen Bevans qui nous a parlé de la vision catholique de la mission, Ou encore Gina Belefeatto qui, à l'aide de graphiques, nous a montré que la proportion de chrétiens dans le monde en 100 ans n'avait pas diminué mais les « centres » ont juste été déplacés. 
Je reste toutefois un peu sur ma faim ; souvent après les lectures, j'avais envie de dire « Et après ? ». Je suis heureuse de savoir ce qui se passe, mais concrètement, que pouvons-nous faire ? J'aurais aimé que l'on nous dise plus concrètement comment nous impliquer, nous en tant que chrétiens et en tant qu'église... parce que ce qui m'importe maintenant, ce n'est pas seulement ce que je vais en tirer personnellement mais plus comment partager cela avec mon Église et comment pouvons-nous tendre à une unité en Christ ?

Je ne sais pas si cette expérience m'a changée, je pense qu'elle a fait émerger quelque chose qui était déjà là depuis longtemps, car je viens d'une famille oecuménique et aussi parce que je m'investis par le biais de la communauté de Taizé notamment dans les rapports oecuméniques. Je songe à orienter mon sujet de mémoire sur les questions d'unité et d'oecuménisme tout en respectant nos différences. L'expérience du COE n'a cessé de faire grandir cette idée en moi. Ne plus réfléchir à l'Église comme division, réfléchir à plus d'unité et comment d'Églises divisées, devenir Églises unies? Nous avons déjà fait un grand pas en devenant l'Église protestante unie de France et je trouve cela encourageant pour la suite. J'ai l'impression qu'une fenêtre venait de s'ouvrir devant moi et j'ai vraiment envie de l'explorer.

Mais le GETI m'aura avant tout fait rencontrer des gens plus ou moins proches géographiquement, des amitiés et aussi une envie de travailler ensemble sur les questions et thématiques que nous avons abordées pendant deux semaines. Si je ne devais donner qu'un verbe pour décrire le GETI, je dirais : Rencontrer. 
Karine Gerstlé

jeudi 14 novembre 2013

Quelques nouvelles du GETI - un menu de dégustation avec Olivier Keshavjee

Jusqu'à présent nous n'avons pas beaucoup évoqué le Global Ecumenical Theological Institute - GETI - sur notre blog (L'institut œcuménique théologique mondial). 150 jeunes théologiens de 60 pays et plus de 80 dénominations différentes ont commencé des cours ensemble à Séoul une semaine avant l'Assemblée. Ensuite ils sont partis rejoindre l'Assemblée à Busan, pour expérimenter les plénières thématiques, l'ambiance de l'Assemblée et aussi poursuivre leurs propres cours et séminaires. C'était, vous imaginez bien, très intense. 
Cet institut était préparé en amont par le programme de formation théologique et œcuménique du COE, une plateforme mise à disposition sur Globtheolib avec un livre virtuel (a "reader"). Même si nous ne pouvons pas vivre de l'intérieur cette expérience on peut retrouver en ligne des vidéos de presque toutes les conférences formelles. Vous pouvez aussi trouver des traces de ce que les uns et les autres ont reçu de ces différents apports, comment ils ont réagi à travers la page Facebook et le compte twitter du GETI. Les réseaux sociaux ne sont pas seulement là pour l'immédiat mais aussi pour garder des traces du vécu.

Pour notre Blog et aussi pour un petit article dans Réforme, deux participants francophones ont écrit quelques impressions pour nous juste à la fin de ce parcours intense. Aujourd'hui nous lisons les réflexions d'Olivier Keshavjee, assistant de paroisse dans le Canton de Vaud en Suisse. Olivier écrit un blog sur la théologie qui vaut vraiment la peine d'être mieux connu Théologeek, il est également présent sur twitter.  Demain nous passerons aux réflexions de Karine Gerstlé, étudiante à l'IPT, Paris, actuellement en train d'étudier pendant un semestre à la Faculté presbytérienne de Séoul. Karine écrit sur un blog Bienvenue au matin calme Regards sur la Corée. La cybergénérosité cela se pratique, alors n'oubliez d'aller leur rendre visite à leurs adresses virtuelles!
Jane Stranz

Mon expérience du Global Ecumenical Theological Institute - Olivier Keshavjee
1. Apprendre à 150, qu'est-ce que cela change?
Se retrouver avec 150 étudiant·e·s en dans une même salle est une expérience assez peu commune pour le théologien occidental que je suis, habitué aux petites salles et au cours presque-privés. Quand en plus ces 150 théologien·ne·s viennent de tous les continents, l'expérience est tout à fait particulière.
Qu'est-ce que cela change pour l'apprentissage ? Premièrement, il s'agit de la consécration de la dichotomie prof/étudiant. Le professeur — actif — est détenteur d'une connaissance qu'il transmet à l'étudiant — passif, dans un mouvement linéaire, unidirectionnel. Un misérable temps de questions à la fin ne permet pas l'échange et l'approfondissement que les sujets abordés auraient mérités. Dommage, puisque la pédagogie du Sud Global essaie généralement de dépasser cela!
Heureusement, tout au long de l'institut, des petits groupes d'environ 10 étudiants nous permettaient d'échanger et d'apprendre ensemble et les uns des autres. Ici, les thématiques abordées sont réellement enrichies par les différentes traditions ecclésiales et théologiques ainsi que les arrières-plans et leurs enjeux respectifs que chacun·e apporte avec lui. On peut ainsi observer comment un même problématique résonne différemment chez l'autre. Par exemple, lorsque l'on parle du réchauffement climatique, cela évoque en moi une inquiétude un peu abstraite pour l'avenir. Lorsque Katia — tahitienne — en parle, c'est parce qu'elle voit le niveau de l'eau monter et petit à petit ronger son île.
2. Changé ou confirmé quelque chose pour moi ?
J'avais déjà été familiarisé aux thématiques abordées (enjeux politiques et économiques, inculturation, théologie d'en bas et des marges, oppressions de différents groupes, etc.) lors de mon année d'échange à Stellenbosch, Afrique du Sud. Sans cette première expérience, je pense que j'aurais été décoiffé par une approche de la théologie qui ne ressemble que très peu à ce que j'ai pu découvrir en Suisse ou en France!
À travers GETI, j'ai découvert le contexte asiatique plus en profondeur (alors qu’auparavant j'avais découvert plutôt les théologies africaines), mais pour le reste trop de sujets abordés trop rapidement me laissent avec une certaine frustration quand à la superficialité avec laquelle nous avons étudié. Il s'agit pour moi plutôt de voir cette expérience comme un menu de dégustation.
Cette expérience confirme pour moi l'impression que je ramenais déjà d'Afrique du Sud qu'une théologie ne peut qu'être engagée. Une approche qui se veut détachée ne fait que masquer des jeux de pouvoir et bien souvent défendre un status quo qui nous arrange. De plus, dans un monde en crise, seule une approche passionnée et engagée peut répondre au commandement du Christ d'aimer son prochain. Sans cet amour de Dieu, du prochain et de la création, la théologie n'est qu'un Jing qui résonne dans le vide.
3. Moments ou cours préférés
Dans tous ces cours, une approche plus explicitement christologique m'a considérablement manquée. Je suis pour cela très reconnaissant à Rosalee Ewell et John Baxter-Brown de l'Alliance Évangélique Mondiale d'avoir recentré un peu les choses sur Celui qui nous rassemble, en particulier en ce qui concerne la missiologie.
Un autre cours particulièrement apprécié a été celui de Michael Kinammon, qui a osé poser quelques questions qui dérangent sur le COE : est-ce que celui-ci est devenu idéologique, en particulier dans sa lecture unilatérale de l'histoire ? Est-ce que l'on recherche encore l'unité visible entre les Église, ou le COE est-il devenu uniquement un moyen de transformation du monde ? Est-ce que le COE a encore confiance en la présence, l'action et la guidance de Dieu ?
Un autre point qui m'a stimulé a été la présentation de l'oikothéologie par Sun Hyung Park. En effet, en situation post-moderne, post-coloniale et post-critique, on parle sans cesse des nécessités d'un changement de paradigme épistémologique. Or dans la pratique, à part une certaine application de la pédagogie des opprimés de Paulo Freire dans les classes, l'étude de la théologie continue de se faire de manière très similaire. Park propose d'abandonner le concept de prof/élève et de facultés de théologie, pour étudier ensemble, en communauté, de manière holistique : temps de prières et d'adorations, lectures et discussions, jardinage, cuisine-lente et dégustation, thérapies de danses, engagements politiques, etc. Que la réflexion théologique redevienne un des aspects vécu dans la communauté, et non à part. Cela me semble très pertinent, et rejoint certains mouvements que l'on peut voir en Suisse ou en Occident, par exemple du "nouveau monachisme". Je pense qu'il y a ici quelque chose à creuser pour l'avenir de la réflexion théologique.
Finalement, le fait de voir que les mouvements évangéliques et pentecôtistes étaient très présents m'a beaucoup réjoui, malgré une certaine ambiguïté. En effet, de nombreuses questions à la fin des cours tournaient autour de ces mouvements : comment se positionner par rapport à eux, peut-on s'en rapprocher, représentent-ils un danger, etc. Les attitudes étaient clairement partagées — entre menace et opportunité — mais il est évident que la manifestation visible de l'Église passe par un rapprochement avec nos frères et sœurs évangéliques, qui ont tant à nous apprendre ! Je suis réjoui de voir que ces dernières années, le COE et le Mouvement de Lausanne / l'Alliance Évangélique Mondiale se rapprochent constamment. 

Olivier Keshavjee


mercredi 13 novembre 2013

Les Eglises, des lieux où être écouté(e) sans jugement - entretien avec Bernard Ugeux


Bernard Ugeux est pèreblanc d’Afrique, de retour en République démocratique du Congo (ex-Zaïre) depuis 2009 après avoir enseigné à la faculté catholique de Toulouse. Je l’avais rencontré en 2006 à Porto Alegre et ses travaux sur la guérison m’avaient intéressée. Durant l’assemblée, il animait, en collaboration avec Beate Jakob, un atelier (workshop) dans le cadre du Madang, sur la question de la santé et de la guérison, auquel j’ai assisté. Quand il m’a dit qu’il avait sorti, il y a 6 mois, un document sur les femmes violées au Kivu et qu’il cherchait à le diffuser dans les Eglises en France, je l’ai invité autour d’un café pour qu’il m’en parle. Voici le contenu de notre entretien.

Bernard Ugeux (c) CSG
BU : J’ai démissionné de la Faculté catholique de Toulouse car j’ai reçu un appel à retourner en Afrique. Ma congrégation m’a alors demandé d’organiser la formation continue de mes confrères pour l’ensemble de l’Afrique, et j’assure cela, deux mois par an, à Rome. Mais de retour à Bukavu après plus de 20 ans, j’ai été bouleversé par la gravité des violences sexuelles faites aux femmes : des viols, parfois devant la famille qui est obligée d’assister à cela, des mutilations génitales qui sont faites suite au viol, des jeunes filles emmenées comme esclaves sexuelles.
Il y a les victimes, pantelantes, qui arrivent dans les centres de soin avec les conséquences médicales de ce qu’elles ont subi ; il y a aussi toutes celles qui refusent de reconnaître ce qui leur est arrivé, parce que cela n’a pas eu lieu en public et qu’elles ont peur d’être chassées par leur mari.

On parle parfois de viol comme arme de guerre et c’est vrai dans un sens, car le but est de détruire le tissu social, de détruire la société. Mais ces atrocités sont le fait de groupe mafieux dont le but est de semer le chaos pour exploiter à leur guise les minerais rares, stratégiques, qui servent à la construction d’ordinateurs et de téléphones portables.  

Face à cette situation, l’Eglise agit déjà à deux niveaux : la dénonciation des violences d’une part et la mise en place de centres d’accueil des victimes d’autre part. Mais il reste encore du travail à faire pour aider les communautés à ne pas stigmatiser les victimes. La situation des enfants nés de ces viols est particulièrement difficile car il sont vu comme ceux qui ont « du sang de l’ennemi », et il arrive par exemple que d’autres enfants leur jettent des pierres.

J’avais constaté que ni les évêques catholiques ni les dirigeants d’Eglises protestantes n’avaient fait de lettre pastorale aux communautés pour leur dire comment se comporter vis-à-vis des victimes de ces violences. Nous avons donc organisé à Bukavu une rencontre œcuménique, avec des congolais et des gens venus de l’étranger, durant deux semaines pour trouver un moyen de faire évoluer les communautés. La première semaine s’est passée à visiter des lieux d’écoute, en particulier des hôpitaux, des deux confessions. Cela a été une révélation, même pour certains congolais… Puis nous nous sommes attelés à un travail d’écriture de lettres : à la femme violée et qui porte un enfant suite à ce viol, au mari qui hésite à recueillir sa femme, aux enfants qui ont été témoins d’atrocités, aux bourreaux… Notre but était de créer un support d’animation pour les communautés de base, pour qu’elles mettent à l’ordre du jour de leurs rencontres les violences sexuelles. Ces lettres sont donc des supports pour lancer une discussion. Lire une des lettres en commun et demander aux gens ce qu’ils pensent de cette lettre les amène à aborder des choses dont ils ne parlent pas d’habitude. Les lettres ont été traduites en Swahili et utilisées dans des groupes, des écoles, et parfois c’était la première fois que les gens osaient en parler comme ça. C’est la preuve que l’outil fonctionne. J’ai reçu un soutien de la congrégation des pères blancs pour la traduction et la diffusion de ce document.

Workshop animé par Beate Jakob et Bernard Ugeux
CSG : comment imaginez-vous que l’on puisse se servir de cet outil ici en France ?
BU : je pense qu’on peut l’utiliser de trois façons différentes : 1. En vue d’une prise de conscience, 2. avec des femmes qui ont vécu cela, pour les aider à mettre des mots et nous aider à exprimer auprès d’elle notre compassion, 3. Comme base de réflexion pour nos communautés sur notre rôle de « lieu d’accueil inconditionnel au nom du Seigneur ».

1. Vous pouvez lire l’introduction de ce document. Nous y parlons du commerce des minerais rares qui passent clandestinement à travers des chefs de guerre et groupes locaux. Ce « business »,  ces femmes et ces enfants qui vivent dans la région du Kivu en sont les premières victimes. Il y a 1 million de déplacés au Nord-Kivu ! Ces événements-là ne se passeraient pas de cette façon-là si des entreprises françaises - et d’autres à qui des français achètent des produits de nouvelles technologies - n’étaient pas dans le coup du traitement, du transport et de la gestion de ces minerais vendus plus au moins clandestinement. Tant qu’il y a des acheteurs près à donner de l’argent et que cet argent sert à acheter des kalachnikovs, on n’en sortira pas ! Il y a un vrai problème de traçabilité, c’est une question de volonté politique et économique internationale. Il y a là un lobbying international à faire auquel vous pouvez participer.

2. Des organisations comme la Cimade qui accueillent des migrants, et les Eglises parfois, sont en contact avec des personnes qui sont revenues de ces situations-là, et qui ont parfois beaucoup de mal à parler de ce qui leur est arrivé. Travailler une lettre comme celle à la femme violée peut déjà être une preuve de compassion, et quand on est en contact avec quelqu’un qui a vécu cela, lui faire lire la lettre peut l’aider à aborder ce qu’elle a vécu, et nous aider à exprimer une attitude d’accueil inconditionnel.

3. On peut aussi travailler en petits groupes, lire, par exemple, la lettre aux communautés. Les Églises ne peuvent pas se contenter d’ouvrir des antennes psychologiques, il est important qu’elles soient vraiment des lieux d’écoute, en anglais on appelle ça des « safe-space », où les personnes blessées puissent venir avec leur fardeau, des lieux où l’on puisse être écouté(e) jusqu’au bout, sans jugement, où l’on puisse te dire une parole au nom du Seigneur pour te remettre debout, c’est notre « boulot » !

En travaillant ces textes, il ne s’agit pas de faire de l’exotisme, mais de les transposer dans votre réalité. La question des violences sexuelles ou des violences faites aux femmes se pose encore dans notre pays. Mais on peut aussi aborder la question du harcèlement à l’école et des conséquences de la violence ; l’état de stress post-traumatique, résultant d’un traumatisme, est souvent sous-estimé. Ce document peut servir à ouvrir la discussion, pour se rendre compte qu’il y a aussi des violences en France, des gens mis de côté, etc. y compris dans les Églises…

Dans le cadre du Rassemblement œcuménique pour la paix, à Kingston, en 2011, a été élaboré un livre en anglais « When Pastors prey », qui est sorti cette année et parle des abus pratiqués par des pasteurs ou des membres du clergé. Par exemple quand un prêtre, ou même un pasteur marié, abuse d’une personne venue pour une cure d’âme. Ce livre montre bien que le problème n’est pas seulement d’ordre sexuel, c’est un problème de domination : on est au pouvoir comme homme de Dieu, représentant du sacré, et certains en abusent. C’est une autre question, mais qui touche aussi à la violence. J’aimerais qu’un jour ce livre soit traduit en français. Dans notre document, il y a une lettre de prêtre qui demande pardon pour l’attitude des hommes envers les femmes. Cette lettre peut être la base d’un travail en Eglise sur ces problématiques de domination.

En pratique, ce n’est pas à moi mais aux gens, là où ils sont, de dire quelle est la lettre qu’ils pourraient travailler dans leur communauté, c’est à eux de dire ce qu’il retiendrait de ce document, de déterminer quelle est la problématique qui les concerne le plus aujourd’hui...

Propos recueillis par Claire Sixt Gateuille

P.S. : Bernard Ugeux parle de ce qu'il a vécu à Busan sur son blog.

La paix, un geste si simple...




(c) Joanna Lindèn-Montes pour le COE
Parmi les regrets sentis et entendus lors d'une assemblée œcuménique comme celle du COE (WCC en anglais), il y a celui de ne pas pouvoir communier ensemble, autour d'une même table, pour partager le sacrement de l'eucharistie.
Car bien entendu, nous ne sommes pas (encore) capables de donner tous le même sens à ce geste, ce signe, ce sacrement. Nous ne sommes précisément pas en communion.
Par ailleurs, nous pouvons chanter et prier ensemble, et lors des offices du matin, ou du soir, partager en nous donnant les uns aux autres « la paix ». Un geste, un signe, pas tout à fait un sacrement.

Pourtant, pour se donner la paix, il faudrait être en paix. Et nous ne sommes pas en paix les uns avec les autres. Notre monde n'est pas en paix. La paix du Christ que nous nous souhaitons, que nous nous offrons mutuellement à ce moment-là, n'est pas (encore) réalisée, et pourtant nous sommes capables de pratiquer ce geste. Avec beaucoup de simplicité, d'amour fraternel et d'espérance.
C'est qu'en faisant cela, nous participons à quelque chose, à un processus, qui n'est pas encore accompli, et sur le chemin duquel nous avançons, avec confiance et avec joie.
Ce qui me donne personnellement beaucoup d'espérance pour l'avenir du mouvement œcuménique : notre vocation n'est pas de devenir une communauté mondiale uniformisée, lissée et fade, mais de trouver des voies d'unité à travers cette très grande diversité, qui fait évidemment toute notre richesse.

Le dernier soir, nous (les délégations de l'EPUdF et de l'UEPAL) avons partagé nos impressions autour d'un « hot pot » communautaire. Et bien entendu, nous nous sommes posés la question de savoir quelle était cette unité à laquelle nous aspirions, en tant qu’Églises chrétiennes appelées à répondre à la prière de Jésus « soyez un comme le Père et moi nous sommes un ». La question de la fonction, du but, du sens d'une assemblée et d'une organisation comme celle du COE en somme.

Et bien sûr, nous n'avons pas su donner de réponse à cette question.
Mais Jane a sans doute mis les mots sur ce que nous ressentions : le chemin EST la réponse. C'est un voyage, dont nous ne connaissons pas la destination, mais dans lequel nous avons embarqué ensemble, le jour où quelques uns se sont dit « allons-y » !
Quel chemin parcouru depuis lors !... Et quel chemin à parcourir encore…
Or il me semble bien que celui qui fondamentalement nous rassemble a dit un jour « le chemin, c'est moi » !
« Qu'ils sont beaux, sur les montagnes, les pieds de celui qui porte la bonne nouvelle, qui proclame la paix, de celui qui porte l'heureuse nouvelle, qui proclame le salut, qui dit à Sion : Ton Dieu est roi ! » (Esaïe 52,7)

Anne-Sophie Guerrier