samedi 9 novembre 2013

« Laissez-nous vivre et espérer ! »

C’est le message que je retiendrais de Nicolas Lüthi, jeune participant suisse à l’assemblée – 28 ans ! – dont la justesse de vue m’a frappé. Comme je ne m’étais pas encore livré à l’exercice de l’interview, j’ai choisi de l’interroger :
Nicolas Lüthi. Photo prise au CaféB, bien sûr !

Frédéric Chavel – Nicolas, tu évoquais récemment avec moi le « ton apocalyptique » de l’assemblée.
Nicolas Lüthi – Oui, c’est ce qui me frappe le plus. Nous sommes sans cesse alertés sur des catastrophes en cours ou à venir. Cela correspond bien sûr à des réalités, des situations concrètes, des drames vécus. Mais je m’interroge sur le regard que nous posons sur ces situations. Nous avons certes un rôle d’alerte, mais nous semblons le tenir exactement comme n’importe quelle ONG, sans mise en perspective chrétienne. Notre assemblée joue sur une émotion : la peur. Ne devrions-nous pas construire une confiance ? Finalement, on critique souvent l’Eglise médiévale quand elle répandait la peur de l’enfer, je me demande si on ne tombe pas dans le même travers avec le catastrophisme environnemental.

FC – Quelle autre tonalité attendrais-tu de la part de l’assemblée ?
NL – De l’appréciation pour ma génération et de l’espérance pour l’avenir. J’ai un peu le sentiment que les aînés sont accablés par le poids écrasant de l’insécurité, du chômage, des problèmes environnementaux, et j’entends parfois : ce monde est pourri. Nos Eglises européennes passent de restructuration en restructuration. Le contexte est pesant. Mais moi je suis fier de ma génération, qui mérite autre chose que tout ce désenchantement. Dans cette assemblée chrétienne rassemblée de toute la terre, j’attends quelque chose de l’ordre de la joie.

FC – Où devrait apparaître cette espérance ?
NL – Je pense d’abord au phénomène de la sécularisation. J’ai été très étonné qu’il ressorte si peu dans nos travaux. Nous aurions dû lancer des pistes ensemble, d’autant plus que personne d’autre que l’Eglise ne peut aborder cette problématique. Cette sécularisation est plus avancée dans les pays occidentaux, et avance maintenant dans d’autres régions, où elle est reçue avec crainte et résistance. Nous aurions pu partager et construire ensemble une approche confiante de cette réalité nouvelle.
Je pense aussi à la question des migrations, question mondiale. Nous vivons dans une interculturalité qui n’est pas toujours facile à vivre. Nous connaissons les tentations extrémistes, les replis identitaires. Or, dans la mesure où près de la moitié des migrants dans le monde sont des chrétiens, les Eglises ont un rôle central à jouer. Etre chrétiens ne garantit pas de se comprendre. Mais à nous d’accompagner positivement cette question de notre siècle.

FC – Tu ressors donc un peu triste de l’assemblée ?
NL – Non, quand même, d’abord parce que j’ai fait de belles rencontres qui compteront dans ma vie, je le sais. Et parce qu’il y a eu aussi des actes symboliques rayonnants lors de l’assemblée, comme des signes d’ouverture vers les évangéliques et les pentecôtistes. Je rentre comme labouré, porteur de toutes les questions semées et enchanté par les personnes croisées.

Frédéric Chavel

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