jeudi 14 novembre 2013

Quelques nouvelles du GETI - un menu de dégustation avec Olivier Keshavjee

Jusqu'à présent nous n'avons pas beaucoup évoqué le Global Ecumenical Theological Institute - GETI - sur notre blog (L'institut œcuménique théologique mondial). 150 jeunes théologiens de 60 pays et plus de 80 dénominations différentes ont commencé des cours ensemble à Séoul une semaine avant l'Assemblée. Ensuite ils sont partis rejoindre l'Assemblée à Busan, pour expérimenter les plénières thématiques, l'ambiance de l'Assemblée et aussi poursuivre leurs propres cours et séminaires. C'était, vous imaginez bien, très intense. 
Cet institut était préparé en amont par le programme de formation théologique et œcuménique du COE, une plateforme mise à disposition sur Globtheolib avec un livre virtuel (a "reader"). Même si nous ne pouvons pas vivre de l'intérieur cette expérience on peut retrouver en ligne des vidéos de presque toutes les conférences formelles. Vous pouvez aussi trouver des traces de ce que les uns et les autres ont reçu de ces différents apports, comment ils ont réagi à travers la page Facebook et le compte twitter du GETI. Les réseaux sociaux ne sont pas seulement là pour l'immédiat mais aussi pour garder des traces du vécu.

Pour notre Blog et aussi pour un petit article dans Réforme, deux participants francophones ont écrit quelques impressions pour nous juste à la fin de ce parcours intense. Aujourd'hui nous lisons les réflexions d'Olivier Keshavjee, assistant de paroisse dans le Canton de Vaud en Suisse. Olivier écrit un blog sur la théologie qui vaut vraiment la peine d'être mieux connu Théologeek, il est également présent sur twitter.  Demain nous passerons aux réflexions de Karine Gerstlé, étudiante à l'IPT, Paris, actuellement en train d'étudier pendant un semestre à la Faculté presbytérienne de Séoul. Karine écrit sur un blog Bienvenue au matin calme Regards sur la Corée. La cybergénérosité cela se pratique, alors n'oubliez d'aller leur rendre visite à leurs adresses virtuelles!
Jane Stranz

Mon expérience du Global Ecumenical Theological Institute - Olivier Keshavjee
1. Apprendre à 150, qu'est-ce que cela change?
Se retrouver avec 150 étudiant·e·s en dans une même salle est une expérience assez peu commune pour le théologien occidental que je suis, habitué aux petites salles et au cours presque-privés. Quand en plus ces 150 théologien·ne·s viennent de tous les continents, l'expérience est tout à fait particulière.
Qu'est-ce que cela change pour l'apprentissage ? Premièrement, il s'agit de la consécration de la dichotomie prof/étudiant. Le professeur — actif — est détenteur d'une connaissance qu'il transmet à l'étudiant — passif, dans un mouvement linéaire, unidirectionnel. Un misérable temps de questions à la fin ne permet pas l'échange et l'approfondissement que les sujets abordés auraient mérités. Dommage, puisque la pédagogie du Sud Global essaie généralement de dépasser cela!
Heureusement, tout au long de l'institut, des petits groupes d'environ 10 étudiants nous permettaient d'échanger et d'apprendre ensemble et les uns des autres. Ici, les thématiques abordées sont réellement enrichies par les différentes traditions ecclésiales et théologiques ainsi que les arrières-plans et leurs enjeux respectifs que chacun·e apporte avec lui. On peut ainsi observer comment un même problématique résonne différemment chez l'autre. Par exemple, lorsque l'on parle du réchauffement climatique, cela évoque en moi une inquiétude un peu abstraite pour l'avenir. Lorsque Katia — tahitienne — en parle, c'est parce qu'elle voit le niveau de l'eau monter et petit à petit ronger son île.
2. Changé ou confirmé quelque chose pour moi ?
J'avais déjà été familiarisé aux thématiques abordées (enjeux politiques et économiques, inculturation, théologie d'en bas et des marges, oppressions de différents groupes, etc.) lors de mon année d'échange à Stellenbosch, Afrique du Sud. Sans cette première expérience, je pense que j'aurais été décoiffé par une approche de la théologie qui ne ressemble que très peu à ce que j'ai pu découvrir en Suisse ou en France!
À travers GETI, j'ai découvert le contexte asiatique plus en profondeur (alors qu’auparavant j'avais découvert plutôt les théologies africaines), mais pour le reste trop de sujets abordés trop rapidement me laissent avec une certaine frustration quand à la superficialité avec laquelle nous avons étudié. Il s'agit pour moi plutôt de voir cette expérience comme un menu de dégustation.
Cette expérience confirme pour moi l'impression que je ramenais déjà d'Afrique du Sud qu'une théologie ne peut qu'être engagée. Une approche qui se veut détachée ne fait que masquer des jeux de pouvoir et bien souvent défendre un status quo qui nous arrange. De plus, dans un monde en crise, seule une approche passionnée et engagée peut répondre au commandement du Christ d'aimer son prochain. Sans cet amour de Dieu, du prochain et de la création, la théologie n'est qu'un Jing qui résonne dans le vide.
3. Moments ou cours préférés
Dans tous ces cours, une approche plus explicitement christologique m'a considérablement manquée. Je suis pour cela très reconnaissant à Rosalee Ewell et John Baxter-Brown de l'Alliance Évangélique Mondiale d'avoir recentré un peu les choses sur Celui qui nous rassemble, en particulier en ce qui concerne la missiologie.
Un autre cours particulièrement apprécié a été celui de Michael Kinammon, qui a osé poser quelques questions qui dérangent sur le COE : est-ce que celui-ci est devenu idéologique, en particulier dans sa lecture unilatérale de l'histoire ? Est-ce que l'on recherche encore l'unité visible entre les Église, ou le COE est-il devenu uniquement un moyen de transformation du monde ? Est-ce que le COE a encore confiance en la présence, l'action et la guidance de Dieu ?
Un autre point qui m'a stimulé a été la présentation de l'oikothéologie par Sun Hyung Park. En effet, en situation post-moderne, post-coloniale et post-critique, on parle sans cesse des nécessités d'un changement de paradigme épistémologique. Or dans la pratique, à part une certaine application de la pédagogie des opprimés de Paulo Freire dans les classes, l'étude de la théologie continue de se faire de manière très similaire. Park propose d'abandonner le concept de prof/élève et de facultés de théologie, pour étudier ensemble, en communauté, de manière holistique : temps de prières et d'adorations, lectures et discussions, jardinage, cuisine-lente et dégustation, thérapies de danses, engagements politiques, etc. Que la réflexion théologique redevienne un des aspects vécu dans la communauté, et non à part. Cela me semble très pertinent, et rejoint certains mouvements que l'on peut voir en Suisse ou en Occident, par exemple du "nouveau monachisme". Je pense qu'il y a ici quelque chose à creuser pour l'avenir de la réflexion théologique.
Finalement, le fait de voir que les mouvements évangéliques et pentecôtistes étaient très présents m'a beaucoup réjoui, malgré une certaine ambiguïté. En effet, de nombreuses questions à la fin des cours tournaient autour de ces mouvements : comment se positionner par rapport à eux, peut-on s'en rapprocher, représentent-ils un danger, etc. Les attitudes étaient clairement partagées — entre menace et opportunité — mais il est évident que la manifestation visible de l'Église passe par un rapprochement avec nos frères et sœurs évangéliques, qui ont tant à nous apprendre ! Je suis réjoui de voir que ces dernières années, le COE et le Mouvement de Lausanne / l'Alliance Évangélique Mondiale se rapprochent constamment. 

Olivier Keshavjee


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