jeudi 5 décembre 2013

Discours de Nelson Mandela lors de la 8eme assemblée à Harare en 1998 - en français


Le monde vient ce soir d'apprendre le décès de Nelson Mandela, un homme, un leader, qui a inspiré des générations à travers le monde, qui symbolise aujourd'hui encore la ténacité face à l'épreuve de la prison. "Madiba".

Il est difficile de comprendre le Conseil œcuménique des Églises sans évoquer le programme pour combattre le racisme, programme créé en 1969 sous Eugene Carson Blake, le secrétaire général de l'époque et ardent défenseur des droits civiques aux USAAu cours des années 1970 et 1980, ce Programme de lutte contre le racisme du COE a coordonné l'opposition de nombreuses Églises à l'apartheid en Afrique australe, ainsi qu’aux cultures de racisme qu'on trouvait ailleurs. 

Nelson Mandela a été invité à l'Assemblée du COE à Harare en 1998 et il y a rendu hommage aux Églises en général et au COE pour son engagement. Vous pouvez retrouver le discours en français ici. L'émission à la radio que j'écoute raconte combien Mandela croyait à la valeur de l'éducation, on retrouve ce thème au début de son discours à Harare. Voilà quelques extraits:
"...ma génération était le produit de l'éducation de l’Église. Sans les missionnaires et les autres organisations religieuses, je ne serais pas ici aujourd'hui.

Le gouvernement de l'époque ne s'intéressait nullement à l'éducation des africains, des métisses et des indiens. L’Église achetait la terre, construisait les écoles, les équipait, engageait et employait des gens. Aussi en disant que nous sommes le produit de l'éducation missionnaire, je dis que jamais je ne remercierai assez les missionnaires de ce qu'ils ont fait pour nous. Mais, pour comprendre pleinement l'importance de l'Eglise, il faut avoir été dans une prison sud-africaine sous l'apartheid. On essayait de nous isoler complètement du monde extérieur. Nos familles ne pouvaient nous rendre visite que tous les six mois. Et nous n'étions autorisés à écrire et à recevoir une lettre que deux fois par an. Ce sont les organisations religieuses, des chrétiens, des musulmans, des hindous et des juifs qui ont maintenu le contact. Voilà les croyants qui nous ont inspirés.
L'appui du COE a été exemplaire, et de la manière la plus concrète qui soit, de ce que la religion a fait pour notre libération. De la prise en mains de l'éducation des opprimés par les institutions religieuses parce que nos dirigeants la leur refusaient, jusqu'au soutien apporté à notre lutte de libération, chaque fois que la religion a joint ses nobles idéaux et ses valeurs à la pratique, elle nous a fortifiés et a nourri ces mêmes idéaux à l'intérieur du mouvement de libération. C'est donc un motif de fierté pour nous que l'Afrique du Sud démocratique ait une constitution qui consacre ces valeurs et ces idéaux. C'est d'ailleurs aussi en leur nom que la communauté internationale soutient nos efforts pour la liberté et la justice.
Ces idéaux et ces valeurs doivent être notre guide dans le voyage inachevé que nous avons entrepris ensemble.
Les droits qui ont été acquis et déclarés universels resteront vides de sens et notre liberté, incomplète si des millions d'êtres humains dans notre pays, en Afrique et dans le monde continuent à être sans abri et à souffrir de la faim, de la maladie et de l'ignorance et s'il n'est pas mis un terme à cette malédiction qui gâche leur vie."


Stephen Brown avait écrit un article à l'époque sur le discours de Mandela, c'est en anglais vous le trouvez ici.

Photos 1) Nelson Mandela avec Pauline Webb à Harare en 1998, 2) Nelson Mandela à l'assemblée du COE à Harare avec la chorale Imolonji KaNtu 
(c) COE Chris Black

Jane Stranz

mardi 3 décembre 2013

De la joie dans nos bagages

(c) Peter Williams pour le COE
Vous nous avez suivis pendant l'assemblée, nous vous avons livré nos impressions à chaud, parfois réflexions surgies d'une expérience, parfois exaspération face à ce qui se passait, parfois anecdote que nous avions envie de vous partager. 
Le mercredi 27 novembre, nous nous sommes retrouvés pour faire, cette fois-ci, un bilan à froid. 18 jours après le retour, nous avons pris de la distance face au sentiment de frustration et nous sommes plus conscients de l'expérience incroyable que nous venons de faire. Voici ce qui est ressorti de ce bilan :
(c) Joanna Lindèn-Montes pour le COE
Une expérience humaine jubilatoire

Ce que les participants en retiendront en premier, mais qui est aussi le plus difficile à transmettre, c’est l’expérience humaine et la joie que nous en avons tirée. Une assemblée du COE est toujours une occasion de toucher du doigt l’Eglise universelle. La diversité extraordinaire rencontrée à travers les uns et les autres se double d’un sentiment de communion fort et d’une grande bienveillance les uns pour les autres. Être frères et sœurs en Jésus-Christ devient particulièrement concret dans ces moments-là. Les réunions confessionnelles sont des temps où l’on se sent particulièrement « en famille ». Nos émotions ont aussi beaucoup été sollicitées, avec la beauté des chants et des gestes symboliques, avec des témoignages d’engagements personnels forts et des récits d’expérience touchants. Nous avons enfin pu constater l’efficacité du mode de décision par consensus utilisé lors de l’assemblée.



Le thème : Dieu de la vie, conduis-nous vers la justice et la paix
Les différentes plénières du matin nous ont permis un constat, celui de la force des engagements chrétiens dans le monde, engagements divers, nombreux et souvent très actifs et efficaces. Sida, pauvreté, conflits armés, inclusivité, dialogue inter-religieux,ne sont que quelque-uns des nombreux engagements des Eglises et des chrétiens dans le monde. Les cris de souffrance entendus nous ont également montré l’ampleur des besoins.
Cela dit, de tous ces témoignages et engagements, nous ne sommes pas toujours arrivés à distinguer en quoi ils étaient typiquement chrétiens et quelle articulations ils avaient avec la personne du Christ. Et plus généralement, nous avons vu le risque que le COE devienne une ONG chrétienne de plus et que cette dimension prenne le pas sur la dimension de « communauté d’Eglises ».

La réalité des Eglises coréennes
Etre en Corée nous a permis d’effleurer la réalité des Eglises coréennes. Nous y avons vu le succès du christianisme mais aussi les logiques conquérantes, et parfois excluantes, qui y sont à l’œuvre, en particulier dans les Eglises ultra-conservatrices hostiles au COE, qui venaient manifester chaque jour devant le centre de congrès où nous étions.
(c) Anne-Sophie Guerrier
Nous avons été parfois choqués par la recherche de puissance et le culte de la performance que l’on retrouve tant au niveau architectural dans les buildings que dans la culture du leader charismatique et incontesté qui règne dans la plupart des Eglises. Nous avons aussi aperçu quelques failles, comme des témoignages poignants sur la situation des chrétiens en Corée du Nord ou quelques critiques émises par des coréens (souvent ceux qui ont fait l’expérience de vivre à l’étranger) sur la logique des Eglises, très concurrentielle (même en interne). 
Nous avons apprécié de façon unanime la qualité et l’équilibre de la cuisine coréenne, qui nous a semblé faire le lien avec les racines de ce peuple, l’aider à se ré-ancrer dans une dimension horizontale. 

Les manques de l'assemblée
(c) Anne-Sophie Guerrier
Nous vous avons déjà fait part de nos déceptions, en particulier trois, l’une anecdotique, les deux autres plus sérieuses. Tout d’abord, cette première assemblée à l’ère des réseaux sociaux a fait que le nombre de caméras, appareils photos et autres moyens de prise de vue nous a parfois donné l’impression, pendant les célébrations, d’être plutôt au spectacle, nous empêchant de rentrer pleinement dans le recueillement. Plus grave est le peu de temps que nous avons eu pour les procédures de décision, en particulier pour décider des grandes orientations du COE pour les 8 ans à venir… et l’autre grande frustration a été le manque d’articulation entre les témoignages, les engagements locaux et une réflexions plus théologique et/ou plus globale. La diaconie nous a parue peu pensée ou en tout cas peu pensée globalement.
Tout cela nous a fait prendre conscience de la force de nos Églises en matière de réflexion théologique, d’approche positive de la sécularisation et d’homilétique (prédication centrée sur le texte biblique et l'existentiel), et nous a donné l’envie de partager nos talents et nos compétences avec d’autres… 

En bref, on en reprendrait bien un peu...

Claire Sixt-Gateuille pour la délégation